Diversité anatomique


Anatomie, conduction et soutien

La croissance verticale d’un cylindre constitué de cellules végétales à parois pecto-cellulosiques a cependant une croissance en hauteur limitée car la rigidité de l’organisme, ici essentiellement liée à la turgescence des cellules, est elle-même limitée. Chez les grandes formes de Bryidae (principalement les Polytrichales) avec des axes pouvant atteindre les 20-30 cm, la rigidité de ces derniers est assurée à la fois par des cellules périphériques à paroi fortement épaissie (les stéréïdes) et par les hydroïdes centraux également à paroi épaissie et ayant perdu leur contenu cellulaire. Les hydroïdes centraux ont également une autre fonction qui est la conduction de la sève brute (eau et minéraux), conduction indispensable pour amener la sève en hauteur dans des longs axes que le transport diffus de cellules en cellules ne peut complètement garantir. Nous avons donc ici un premier couplage entre la fonction de soutien et la fonction de conduction des sèves par un même tissu. Les stéréïdes et les hydroïdes conservent une paroi uniquement pecto-cellulosique, leur rigidité reste à ce titre également limitée et quand les organismes se déshydratent, les hydroïdes se contractent sur eux-mêmes en absence de contenu cellulaire. 

Type de tissus conducteurs du cormus si présents

Les tissus conducteurs sont toujours de deux types, mais se déclinent aussi en 2 catégories.


Dans la première, on a des hydroïdes non lignifiés (Hy) et des leptoïdes (Le) qui conduisent respectivement la sève brute et la sève élaborée. Ils s'observent chez quelques mousses (Bryidae, tel qu'illustré ici) et des Polysporangiophytes fossiles du siluro-dévonien. 

L’augmentation de la rigidité des parois sera assurée par l’incorporation d’une molécule supplémentaire : la lignine. Les premières cellules à paroi lignifiée qui assureront à la fois soutien et conduction de la sève brute sont les trachéides qui définissent les Trachéophytes. D’autres cellules à paroi lignifiée et qui n’auront qu’une fonction de soutien apparaitront ultérieurement, elles formeront le sclérenchyme (on parle aussi de tissus ou de fibres sclérifiés). D’un point de vue biomécanique, un cylindre est d’autant plus rigide que les tissus de soutien sont disposés à la périphérie. Or chez les premiers Trachéophytes, le sporophyte qui devient dominant est réduit à un cormus de tiges ramifiées qui assurent également la photosynthèse. Les tissus à paroi lignifiée, dont les cellules sont également mortes à maturité, ne peuvent assurer de fonction assimilatrice. Leur disposition à la périphérie empêcherait ou contrarierait cette dernière. On comprend donc que les tissus de soutien des premiers Trachéophytes sont les trachéides disposées au centre de la tige, c’est moins rigide mais la sélection naturelle ne retient pas toujours les caractères les meilleurs car son produit doit rendre compte de compromis entre diverses contraintes. Ainsi les tiges sont moins rigides qu’attendues mais elles peuvent faire de la photosynthèse. Les trachéides qui définissent le xylème des premiers Trachéophytes forment donc un cylindre central et sont entourées par un cylindre de phloème, un tissu de cellules vivantes non lignifiées qui assurent la conduction de la sève élaborée (enrichie par les produits de la photosynthèse). Cette disposition est identique respectivement à celle des hydroides et leptoïdes qui assurent les mêmes fonctions de conduction chez les Bryidae, et on retrouve des cellules rappelant les hydroïdes et leptoïdes disposées de la même manière chez les premiers Polysporangiophytes non Trachéophytes (comme Aglaophyton majorvoir chapitre correspondant). Il est tentant de proposer que les hydroïdes et leptoïdes, tout au moins ceux observés chez les premiers Polysporangiophytes, sont les formes ancestrales respectivement du xylème et du phloème et que la disposition des tissus conducteurs des premiers Trachéophytes dérive directement de ces premiers Polysporangiophytes. Par contre si l’hypothèse des Anthocerotidae (qui n’ont pas d’hydroïdes) en groupe frère des Polysporangiophytes est maintenue, les hydroïdes et leptoïdes des Bryidae ne seraient pas homologues de ceux des Polysporangiophytes et auraient été acquis indépendamment.

Dans la deuxième catégorie représentée ici, on a le xylème à paroi lignifiée (Xy) et le phloème (Ph) qui conduisent respectivement la sève brute et la sève élaborée. Ils s'observent chez les Trachéophytes.

Il a souvent été suggéré que le xylème et le phloème dériveraient respectivement des hydroïdes et leptoïdes, mais cela est encore discuté.  


Diversité de l'anatomie

Les principaux types anatomiques observés chez les Embryophytes sont illustrés dans la figure ci-après. L’ensemble des tissus conducteurs et leur localisation dans la tige définissent ce que l’on appelle la stèle, qui se décrit en coupe transversale, et se décline en différents types. La position centrale des analogues d’hydroïdes et leptoïdes des premiers Polysporangiophytes préfigure la localisation centrale et la forme circulaire en coupe de la stèle des premiers Trachéophytes que l’on nomme protostèle ou haplostèle. Cette protostèle est encore observée chez les formes adultes de certaines fougères actuelles et chez toutes les fougères aux premiers stades du développement du jeune sporophyte. Chez les Lycophytes, la protostèle développe des lobes en étoile, encore appelée actinostèle, avec le protoxylème (les premières cellules qui se différencient) se formant à la périphérie et le métaxylème (les dernières cellules qui se différencient) se formant au centre. On dit que le xylème est exarche (les cellules les plus anciennes vers l’extérieur de la stèle). Chez les formes robustes de Lycophytes, l’actinostèle se fragmente pour donner une plectostèle. Chez les fougères, la forme de base est la dictyostèle (l’anatomie peut être néanmoins plus diversifiée, nous y reviendrons plus tard) qui correspond à un cylindre perforé de très nombreuses lacunes (les brèches foliaires) localisées chacune juste au dessus du départ de la conduction d’une mégafronde (il n’y a pas de brèches foliaires chez les protostèles, la conduction des feuilles est directement connectée à la stèle sans induire de brèche). En coupe transversale, les nombreuses brèches isolent des massifs que l’on appelle méristèles disposés sur un cercle. Au sein de chaque méristèle, on observe un xylème central avec deux pôles opposés de protoxylème disposés tangentiellement au cercle, et encadré par deux massifs de phloème respectivement vers le centre et vers la périphérie de la tige. Chez les Equisetidae, des massifs de xylème (en fait réduit à des lacunes ou canaux carinaux) superposés à du phloème répartis sur un cercle définissent une eustèle très particulière, non homologue de celle des Spermatophytes, et nommée équisétostèle. Les Spermatophytes (hors Angiospermes Lilianae ou Monocotylédones) sont caractérisés par une eustèle avec des massifs de xylème superposé à du phloème (on parle de faisceaux cribro-vasculaires) disposés sur un cercle ; le protoxylème se forme vers le centre (la moelle), la différenciation est dite centrifuge. Chez les Angiospermes Lilianae ou Monocotylédones, les faisceaux sont répartis sur plusieurs cercles, on parle d’atactostèle.

Diversité des stèles chez les Embryophytes (coupes transversales dans les tiges).

A. Protostèle d’une fougère actuelle (Hymenophyllaceae, Polypodiidae), 

B. Plectostèle d’un lycopode (Lycopodiidae), 

C. Dictyostèle d’une fougère polypode (Polypodiidae), 

D. Eustèle ou équisétostèle à lacunes d’une prêle (Equisetidae), 

E. Eustèle d’un lamier (Magnoliidae, Spermatophytes), 

F. Atactostèle d’une Monocotylédone (Magnoliidae, Spermatophytes) ; Xy = xylème, Ph = phloème, PXy = protoxylème, MXy = métaxylème, Me = méristèle, Cca = canal carinal (remplace le xylème), Cce = canal central, Cva = canal valéculaire.